



Paris est une fête a écrit Hemingway, une fête de la musique bien sûr, peuvent lui répondre en choeur le hautboïste Jean-Luc Oboman Fillon et l’accordéoniste Didier Ithursarry, qui cinq ans après « Oboréades »,
prolongent leur singulier duo en un somptueux hommage à Paris, à la fois ludique et profond, à travers ses différents quartiers et sa grande diversité culturelle et artistique.
De la poésie musicale, comme des photos de Robert Doisneau qui nous chanteraient des mélodies, et où l’on découvrirait sous les pavés urbains, une magnifique plage, pleine de musique et de ferveur, au rythme des vibrations de la capitale.
Ils aiment les contrastes, le noir et le blanc, le swing et les ballades, le jazz et la java, la musique classique et le musette, la rive droite et la rive gauche, et préfèrent citer Baudelaire et son Spleen de Paris plutôt qu’Hemingway : « Que tu dormes encore dans les draps du matin, lourde, obscure, enrhumée, ou que tu te pavanes dans les voiles du soir passementés d’or fin, je t’aime, ô capitale infâme ! ».
Paris, terre de contrastes, de l’aurore hivernale au coucher de soleil estival, du spleen à la joie de vivre, du fourmillement de la foule aux heures de pointe, au silence nocturne des ruelles désertes, Paris inspire les artistes. Après les poètes, les romanciers, les peintres, les photographes, et les cinéastes, c’est au tour des musiciens de pénétrer dans ce grand tourbillon créatif en projetant leurs impressions et leurs sentiments sur cette grande cité de la culture.
En l’occurrence, deux jazzmen français qui ont déjà une belle carrière derrière eux et qui, en pleine maturité et en pleine possession de leurs moyens, unissent leur inspiration, leur virtuosité, et leur grande sensibilité, dans un projet à la fois impressionniste et expressionniste, où l’émotion et le sentiment prédominent. Une entente musicale parfaite, quasi-télépathique, que l’on nomme communément l’interaction, où le mariage des timbres du hautbois (ou cor anglais) et de l’accordéon, unis par la vibration, le souffle, et l’air, fonctionne à merveille, sans jamais que l’on ressente l’absence d’une section rythmique !
Ils se rencontrent autour de la figure emblématique de Claude Barthélémy et commence à collaborer ensemble à partir de 2009. Leur premier album en duo Oboreades est publié en 2012 et reçoit un très bon accueil critique. Leurs compostions se mêlent alors avec grand bonheur à des morceaux du répertoire de
Marcel Azzola, Hermeto Pascoal ou Claude Barthelemy. Très demandé tous les deux, que ce soit par leurs projets personnels (Echoes of Freedom et Plays Cole Porter pour Jean-Luc Fillon et Kantuz ou le duo Lua
pour Didier Ithursarry), ou par leur travail en tant que sideman (particulièrement pour Didier, qui de l’orchestre Danzas de Jean-Marie Machado à l’Art Sonic de Joce Mienniel, multiplie les rencontres aussi bien en studio qu’en concert), ils ont attendu cinq ans pour continuer leur collaboration discographique autour d’un projet fédérateur longuement mûri.
Ce Paris By Song est un voyage initiatique et déambulatoire dans Paris, à l’image d’une manifestation (où les revendications ne seraient que d’ordre esthétique) qui partirait de la place de la République (premier morceau) à la place de la Bastille (onzième et dernier morceau), en passant par le Pont des Arts, le Moulin Rouge, le Père Lachaise, le Grand Palais, le Palais Royal, Montmartre et Belleville.
Un voyage musical ponctué de bruits de la ville où certains morceaux sans indication de lieu dans leurs titres sont pourtant évocateur d’une géolocalisation précise : Casa Pepe est un restaurant espagnol situé rue Mouffetard qui était l’escale privilégiée à Paris de Paco de Lucia et Rêve Bohémien, signé par Jo Privat, évoque les bals musette de la rue de Lappe.
Tous les morceaux de cet album (signés par Jean-Luc Fillon, à l’exception de la reprise de Jo Privat et de Moulin Rouge, composé par Didier Ithursarry) font appel au mouvement du corps : une marche énergique (République), une déambulation chaotique (Pont des Arts, Palais Royal) et la danse bien sûr (la frénésie de Casa Pepe, la valse de Rêve Bohémien, l’ambiance klezmer de Belleville).
Un tourbillon festif et dansant, mais aussi beaucoup de mélancolie et de poésie, de mystère et de recueillement, à l’image de Père Lachaise et de sa belle mélodie lancinante, rendant hommage à tous les
grands artistes qui y reposent, et qui revient à la fin du disque en morceau caché, avec l’écho nostalgique d’un piano mécanique. Ici rayonnent toutes les couleurs du monde, dans une musique qui enserre la pulsation du new tango dans les volutes du jazz pur. L’accordéoniste ose un swing inflexible et un drive infernal, tandis que le hautbois d’Oboman nous régale d’un chorus résolument torride. Les mises en place sont millimétrées, mais avec une souplesse féline... Ailleurs s’associent rythmes impairs et groove funky.
Le public (votre serviteur inclus) est conquis...
Xavier Prévost France-Musique
Jean-Luc Fillon, alias Oboman, est un garçon résolument gonflé… Et audacieux ! Non content d’avoir apporté depuis quelques années et avec brio, la preuve que le hautbois (ou cor anglais if you prefer) n’était pas un instrument réservé aux baroqueux mais qu’il pouvait créer de nouvelles sonorités dans le jazz… on ne peut manquer d’être impressionné par la qualité musicale de ce que ces deux là proposent. Ça joue à haut, très haut niveau…
Les deux hommes s’écoutent, s’entendent et se comprennent admirablement. L’énergie domine les échanges et la couleur du son ; la pâte harmonique tirée du mariage du Hautbois et de l’accordéon est carrément convaincante… la musique est belle.
C’est une musique qui danse. Une musique emplie d’humanité et de fraternité. De ce duo où dominent l’écoute et le partage, le résultat est beau. Juste beau. Et se déguste sans modération.
Jean-Marc Gelin Jazzmagazine

Didier Ithursarry
"Un accordéoniste sidérant"
- Michel Contat, Télérama
J-Luc Oboman Fillon
"J-Luc Fillon est un si bon joueur de hautbois (oboe en anglais) qu'on le surnomme Oboman"
- Louis-Julien Nicolaou, Télérama
